L’avant-jour
Je me souviens très bien de ce matin sombre où tout était obscur. Maman avait reçu un coup de téléphone et malgré la température glaciale, son visage s’était soudainement empourpré. Elle s’était levée d’un bond, m’avait aidé à me préparer dare-dare, m’avait habillée, donné une banane, puis sans lambiner, elle avait enfilé son anorak et démarré sa voiture.
Collée aux vitres givrées, j’essayais de voir le chemin devant nous. Il pleuvait des chiens et des chats comme dans l’hivernage et les éclairs et les coups de tonnerre, qui étaient synchrones, rythmaient incroyablement. C’était un déjà-vu, le chemin menant chez mamie. Mais cette fois-ci, je sentais que sa maison était lointaine, à des années -lumières de chez nous.
Ma mère était très inquiète et ne lâchait pas son téléphone : elle passait des appels et des messages vocaux et textuels. J’étais fascinée par le ciel qui commençait à s’éclaircir par le lever du soleil. Tic-tac, le temps passait rapidement ; nous n’avions qu’une minute pour arriver, ou plutôt pour comprendre ce qui se passait.
Finalement, nous sommes arrivées chez ma grand-mère. Ma mère s’est précipitée dans la chambre à coucher, et je l’ai suivie, curieuse de savoir ce qui était arrivé. Et là, je n’en crois mes yeux : ma tante tenait un petit ange dans ses bras. Ma cousine est née. J’ai approché ma main pour la caresser. Elle était douce et admirable.
Cet avant-jour était mémorable et fascinant à la fois. La naissance d’un nouveau jour, tout comme celle d’un nouveau-né, représentait le début de quelque chose de merveilleux de ma vie.
Mariam Daher – EB3D Mars 2023